Colin Cadier à la Commission spéciale de La Haye

par Colin Cadier, adopted from Brazil to France, President of La Voix des Adoptés
Presentation at Session 1, Day 1: Voices of Adoptees Panel

Mesdames et messieurs les représentants des Etats signataires, les délégués et représentants d’associations, d’autorités nationales ou internationales,

Je salue cette espace d’expression ouvert aux acteurs de la société civile, et notamment nous Personnes Adoptées, concernés directement par le sujet qui nous mobilise aujourd’hui et les jours à venir. Je tiens à remercie particulièrement Lynelle LONG (InterCountry Adoptees Voices) pour avoir invité La Voix des Adoptés à se joindre à sa délégation, et également le Bureau Permanent, en la personne de Laura MARTINEZ avec qui j’ai eu l’occasion d’échanger de nombreuses fois, notamment ces dernières semaines pour nous aider à préparer ce panel.

Je m’appelle Colin CADIER, je suis né en 1980 à Recife (Brésil), adopté à 15 jours par un couple Français dits “expatriés”, je réside aujourd’hui à Marseille (France) où je travaille dans l’administration territoriale en lien avec l’international… Je suis binational (franco-brésilien), tricullturel (franco-sudamericain) et quadrilingue (si je me permets de compter l’anglais). 

Depuis 2019, je suis le Président de La Voix Des Adoptés, une association de droit français, existante depuis 2005 qui agit sur tout le territoire (avec des antennes à Paris, Lille, Lyon, Tour, Marseille) en lien avec de nombreux pays (Brésil, Colombie, Guatemala, Roumanie, Vietnam, Bulgarie ) qui participe aux réunions collégiales d’un organe consultatif traitant particulièrement des sujets liés à l’adoption internationale (aux côtés d’autres associations) et intervient par les témoignages de ses bénévoles auprès d’associations partenaires qui accompagnent notamment les parents/familles candidates à l’adoption. Outre les Groupes de Paroles, et les événements culturels ou conviviaux organisés par la quarantaine de bénévoles investis, nous animons une WebRadio, développons un Jeu pédagogique sur l’adoption et nous travaillons conjointement avec notre Autorité Centrale qui a participé à notre récent séminaire annuel de formation de nos bénévoles, l’Association Racines Coréennes (de 10 ans notre aînée), le SSI France, l’AFA, la Fédération EFA et bien d’autres associations nationales ou locales, en France ou à l’étranger.

Au regard des nombreuses demandes que nous recevons des personnes adoptées faisant des recherches sur leurs origines, force est de constater qu’en l’absence d’un référentiel mondial reconnu par les autorités des Etats concernés, un certain nombre de personnes nées dans certains pays puis recueillies dans des foyers d’un autre pays – au cours des dernières décennies du siècle passé, rencontrent des difficultés à accéder aux informations sur leur famille de naissance, ou sur les circonstances de leur naissance jusqu’à leur arrivée dans leur nouveau foyer… Rédiger et adopter ce nouveau texte en 1994 qui a été ratifié progressivement par un très grand nombre d’Etats soucieux d’établir un cadre structuré sur les conditions spécifiques pour “donner une famille à un enfant” (tout en veillant à respecter le meilleur intérêt de l’enfant), a constitué une avancée majeure. Quant aux modalités d’application dudit texte, chaque Etat signataire en la responsabilité au regard de sa législation et de ses politiques publiques en matière de protection de l’enfance… La diversité des situations socio-politico-économiques des Etats, du rôle des différents acteurs publics ou privés, impliqués, démontrent qu’il demeure encore des points à améliorer.

La convention de La Haye prévoit bien des dispositions concernant les informations détenues par les autorités sur les origines de l’enfant et leur accès avec des conseils appropriés (articles 30 et 31), mais un certain nombre de personnes adoptées devenues adultes recherchent des informations sur leur origine et se heurtent à des fins de non recevoir. Les motifs peuvent être très variés, selon la date, le lieu de naissance et les conditions dans lesquelles la procédure d’adoption s’est déroulée, il existe souvent un écart voire un fossé entre les informations disponibles et celles recherchées par les personnes adoptées dans leur enfance.

C’est pour cette raison que nous, association d’adoptés et EFA (association de parents adoptants/adoptifs), avons adressé un courrier aux trois ministres de tutelle de l’autorité centrale française pour demander la mise en place d’une commission d’experts indépendants dans le but d’éclairer sur des pratiques qui malheureusement laissent AUJOURD’HUI des personnes sans réponses à leurs questionnements. Et pourtant, ces adoptés n’ont d’autre choix que de se tourner vers les autorités compétentes (les autorités centrales et celles intervenant dans la protection de l’enfance) pour tenter d’obtenir des clarifications ou des explications.

Il est vrai que dans le cadre de la récente réforme engagée par le gouvernement français concernant les structures en charge des politiques publiques de protection de l’enfance, notre association a été invitée à prendre part aux instances de gouvernance de la nouvelle entité en cours d’installation. Nous sommes très reconnaissants de cette place qui nous est accordée d’autant plus que nous comptons apporter notre savoir “expérienciel” sur les questions liées à la Recherche des Origines et la mise en place de dispositifs d’accompagnement (administratif, socio-psychologique) ou d’assistance juridique pour les personnes adoptées, et idéalement avec des mécanismes (ou instruments) de coopération avec les autorités compétentes (centrales) des pays dits de naissance.

Nous espérons voir la nouvelle structure se doter des moyens nécessaires pour pouvoir répondre à la demande des personnes adoptées. Il est à noter que de nombreuses personnes adoptées (aujourd’hui adultes, majeures révolues) correspondent à des adoptions qui ont eu lieu avant 1993, comme en témoignent les statistiques (puisque le nombre d’enfants nées et adoptées à l’étranger a diminué de façon progressive mais plutôt significative au fil des années jusqu’à nos jours – passant de plusieurs milliers par an à quelques centaines). Même si pour la plupart des adoptions qui ont eu lieu à partir des années 2000, les données sont disponibles et accessibles, il n’en demeure pas moins un besoin d’accompagnement au moment notamment où la personne adoptées exprime son souhait éventuel de retrouver les membres de sa famille de naissance… Certaines autorités centrales se proposent de faire le nécessaire, d’autres sont démunies ou ne disposent pas des moyens légaux, humains, matériels ou financiers nécessaires… Enfin le paysage des structures privées lucratives ou non lucratives n’en n’est pas moins varié : des personnes peu scrupuleuses ou malveillantes, aux bénévoles dévoués mais pas forcément “préparées” ou outillées pour faire face à des situations humaines complexes voire dramatiques, sans oublier la barrière de la langue… Tout cela nous conduit aujourd’hui à attirer votre attention Mesdames et Messieurs sur cette réalité: Comment orientons nous les personnes adoptées qui sont notamment plus âgées que vos respectifs organismes (créés à partir des années 2000), ou celles qui rencontrent encore, dans certains cas, des difficultés à trouver les informations sur leurs origines ? 
Dialoguer, coopérer et proposer des actions conjointes, constituent un moyen possible et positif pour permettre d’avancer, de répondre aux besoins des personnes adoptées ou des associations qui comptent sur le pouvoir d’intervention des autorités compétentes.

Je Vous remercie pour votre écoute et vous souhaite des échanges riches au cours au cours des prochains jours.

Traduction anglaise

Ladies and gentlemen, representatives of the signatory States, delegates and representatives of associations, national or international authorities,

I welcome this space of expression open to the actors of civil society, and in particular to us Adopted Persons, directly concerned by the subject that mobilizes us today and in the days to come. I would like to thank in particular Lynelle Long (InterCountry Adoptees Voices) for inviting La Voix des Adoptes to join her delegation, and also the Permanent Bureau, in the person of Laura Martinez with whom I have had the opportunity to exchange many times, especially in the last few weeks to help us prepare this panel.

My name is Colin CADIER, I was born in 1980 in Recife (Brazil), adopted at 15 days by a French couple called “expatriates”, I now reside in Marseille (France) where I work in the international territorial administration. I am bi-national (Franco-Brazilian), tri-cultural (Franco-South American) and quad-lingual (if I allow myself to count English).

Since 2019, I am the President of La Voix Des Adoptés, an association under French law, existing since 2005, which acts on the whole territory (with branches in Paris, Lille, Lyon, Tour, Marseille) in connection with many countries (Brazil, Colombia, Guatemala, Romania, Vietnam, Bulgaria ), which participates in the collegial meetings of a consultative body dealing particularly with topics related to international adoption (alongside other associations) and intervenes through the testimonies of its volunteers with partner associations that accompany in particular parents/families applying for adoption. In addition to the discussion groups and the cultural or social events organised by the forty or so volunteers involved, we run a WebRadio, develop an educational game on adoption and work jointly with our Central Authority, which took part in our recent annual training seminar for our volunteers, the Korean Roots Association (10 years older than us), ISS France, AFA, the EFA Federation and many other national or local associations, in France and abroad.

Au vu des nombreuses demandes que nous recevons d'adoptés recherchant leurs origines, force est de constater qu'en l'absence d'un référentiel mondial reconnu par les autorités des Etats concernés, un certain nombre de personnes nées dans certains pays puis accueillies dans des foyers dans un autre pays – au cours des dernières décennies du siècle dernier – rencontrent des difficultés pour accéder aux informations sur leur famille d'origine, ou sur les circonstances de leur naissance jusqu'à leur arrivée dans leur nouveau foyer. L'élaboration et l'adoption de ce nouveau texte en 1994, qui a été progressivement ratifié par un très grand nombre d'Etats soucieux d'établir un cadre structuré sur les conditions particulières de "donner une famille à un enfant" (en veillant à respecter le meilleur l'intérêt de l'enfant), a constitué une avancée majeure. Quant aux modalités d'application dudit texte, chaque Etat signataire est responsable de sa propre législation et de ses politiques publiques en matière de protection de l'enfance. La diversité des situations socio-politiques et économiques des Etats, et du rôle des différents acteurs publics ou privés impliqués, montrent qu'il reste des points à améliorer.
La Convention de La Haye prévoit bien des dispositions concernant les informations détenues par les autorités sur les origines de l'enfant et leur accès avec des conseils appropriés (articles 30 et 31), mais un certain nombre d'adoptés devenus majeurs demandent des informations sur leurs origines et se voient refuser. Les raisons peuvent être très variées, selon la date et le lieu de naissance et les conditions dans lesquelles s'est déroulée la procédure d'adoption, il existe souvent un décalage voire un gouffre entre les informations disponibles et celles recherchées par les personnes adoptées dans leur enfance.

C'est pourquoi nous, l'association des adoptés et EFA (association des parents adoptifs), avons adressé un courrier aux trois ministres en charge de l'autorité centrale française pour demander la mise en place d'une commission d'experts indépendants auprès de la objectif de faire la lumière sur des pratiques qui laissent malheureusement les gens sans réponses à leurs questions. Et pourtant, ces adoptés n'ont d'autre choix que de se tourner vers les autorités compétentes (les autorités centrales et celles impliquées dans la protection de l'enfance) pour tenter d'obtenir des éclaircissements ou des explications.

Il est vrai que dans le cadre de la récente réforme engagée par le gouvernement français concernant les structures en charge des politiques publiques de protection de l'enfance, notre association a été invitée à participer aux instances de gouvernance de la nouvelle entité en cours de constitution . Nous sommes très reconnaissants de cette place qui nous est accordée, d'autant plus que nous entendons apporter nos connaissances « expérientielles » sur les questions liées à la Recherche des Origines et la mise en place de dispositifs d'accompagnement (administratif, socio-psychologique) ou d'assistance juridique. pour les personnes adoptées, et idéalement avec des mécanismes (ou instruments) de coopération avec les autorités (centrales) compétentes des pays dits de naissance.

Nous espérons que la nouvelle structure sera dotée des moyens nécessaires pour pouvoir répondre à la demande des personnes adoptées. Il est à noter que de nombreux adoptés (aujourd'hui majeurs, ayant dépassé l'âge de la majorité) correspondent à des adoptions qui ont eu lieu avant 1993, comme le montrent les statistiques (puisque le nombre d'enfants nés et adoptés à l'étranger a diminué progressivement mais assez significativement au fil des années jusqu'à aujourd'hui – de plusieurs milliers par an à quelques centaines). Même si pour la plupart des adoptions qui ont eu lieu à partir des années 2000, les données sont disponibles et accessibles, un besoin d'accompagnement subsiste, notamment lorsque l'adopté exprime son éventuel souhait de rejoindre les membres de sa sa famille biologique. Certaines autorités centrales proposent de faire le nécessaire, d'autres sont privées ou n'ont pas les moyens juridiques, humains, matériels ou financiers nécessaires. Enfin, le paysage des structures privées à but lucratif ou non n'est pas moins varié : des personnes peu scrupuleuses ou malveillantes, aux bénévoles dévoués mais pas forcément « préparés » ou équipés pour faire face à des situations humaines complexes voire dramatiques, sans oublier la barrière de la langue. Tout cela nous amène aujourd'hui à attirer votre attention Mesdames, Messieurs sur cette réalité : Comment accompagnons-nous les personnes adoptées notablement plus âgées que vos organisations respectives (créées à partir des années 2000), ou celles qui rencontrent encore, dans certains cas, des difficultés à trouver des informations sur leurs origines ?

Le dialogue, la coopération et la proposition d'actions communes sont une voie possible et positive pour avancer, pour répondre aux besoins des personnes adoptées ou des associations qui s'appuient sur le pouvoir d'intervention des autorités compétentes.

Je vous remercie de votre écoute et vous souhaite de riches échanges au cours des prochains jours.

Lisez notre article précédent : Adoptés à la Commission spéciale de La Haye

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